BOURG-EN-BRESSE > LE STUDIO DES QUATRES VENTS > ISOLÉ DANS L'AIR DU TEMPS, JUSQU'À QUAND ? - LYLIANE DOS SANTOS
En 1991, Christine Burgos et Olivier Gelpe achètent à Bourg-en-Bresse (Ain) une ancienne usine de fabrication de ressorts de camion, dans l’intention d’en faire un lieu de travail pour la danse. La compagnie rompt ainsi avec son expérience parisienne pour s’installer en Bresse. Résolument ouverte aux projets artistiques de toutes disciplines, le Studio des quatre vents relève en quelques années le défi d’accueillir des compagnies de danse, des collectifs de musique, des projets en arts plastiques ou en poésie issus d’autres villes et de cultures d’origines différentes.
Un collectif de cinq personnes réfléchit sur les orientations du lieu, les choix artistiques et l’esprit du projet dont la pierre angulaire reste la création contemporaine. Stages, ateliers, résidences, rendez-vous publics, chantiers d’art provisoires composent le cœur de l’activité dans ce bel espace, unique en son genre dans le département de l’Ain, avec un studio de 155 m2 et un lieu de vie convivial. Référence pour de nombreux collectifs tentés par l’aventure des lieux intermédiaires, le Studio des quatre vents favorise un travail en réseau, notamment avec Ramdam (dans l’agglomération lyonnaise - cf. page XXX), Cité danse (à Grenoble - cf. page XXX) et surtout Horlieu, un espace de rencontre lyonnais autour des musiques expérimentales et des écritures contemporaines.
Grande souplesse d’accueil
Les partenaires publics semblent cependant peu enclins à reconnaître la dimension exploratoire de cet espace de travail et d’échange pluridisciplinaire. S’il est vrai qu’il est difficile de légitimer pour les pouvoirs publics un lieu privé, plusieurs partenaires culturels en revanche l’utilisent volontiers à l’occasion de leurs manifestations, que ce soit pour un festival ou un spectacle en préparation. Le Studio des quatre vents permet en outre d’héberger des artistes et présente une grande souplesse d’accueil qui fait souvent défaut aux espaces culturels conventionnels.
Cependant, le manque d’intérêt de la part des institutions a des répercussions sur le plan artistique. La dynamique ne peut pleinement s’épanouir malgré la multiplicité des propositions : semaine sur l’improvisation, " courants d’art " permettant de découvrir des artistes inconnus, manifestation " Les quatre vents de septembre " autour des formes contemporaines non conventionnelles. Comment comprendre que d’autres lieux, ici ou là , pris dans les mêmes logiques d’intervention, trouvent - eux - un terrain de légitimité acquis à leur cause ?
Au beau milieu d’une petite zone HLM
Bien qu’installé au beau milieu d’une petite zone HLM, le Studio des quatre vents n’est intégré à aucune procédure territoriale : " Nous ne sommes ni en DSU [NDLR : procédure de " développement social urbain "], ni en zone rurale, ni en contrat global de développement ". Certes, tout changement d’orientation politique modifie les perspectives. Mais il oblige aussi à ré-expliquer ce qui paraît évident à des acteurs culturels engagés depuis longtemps sur le terrain, que ce soit sur l’importance de l’éducation artistique en milieu scolaire, la richesse des différences culturelles, ou l’ouverture à l’autre.
Le grand chantier de la démocratie culturelle est loin d’être fini, preuve en est l’isolement dont souffre le Studio des quatre vents. Comment faire avancer les politiques culturelles territoriales, soutenir les forces en présence, lancées généreusement dans des processus expérimentaux, donc particulièrement exposés aux jugements à l’emporte-pièce ? Le contexte de mutation des institutions doit-il être supporté par les seuls acteurs qui, dans leur micro-combat, se font les défenseurs d’une parole artistique exigeante ?
Lyliane Dos Santos