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le 19/11/2012 par Couac

# LundiCouac 3 • Des théâtres, des publics, des habitant-e-s, un territoire...

Troisième rencontre de notre cycle "L’esprit critique, ça se cultive", ce temps d’échange et de débat public s’est déroulé au Théâtre du Pont Neuf, dans le quartier Saint Cyprien, le 12 novembre 2012.

- Fred Ortuño, Couac - Présentation générale "L’esprit critique, ça se cultive". Rappel des deux débats précédents, le premier consacré au théâtre et la question de la programmation des compagnies locales et régionales dans les théâtres toulousains, et la deuxième consacrée à la Maison de l’Image.
Cette rencontre s’intègre dans le cadre de la seconde opération Des théâtres près de chez vous.

- FO - Présentation du sujet abordé ce soir autour de la notion de spectateur, de public(s), de territoire. Quelques questions posées posées généralement.

- FO - Objectif de la rencontre. Partager des points de vue, analyses, pistes de réflexion. Introduction du court extrait vidéo à suive, Eric Prémel, acteur culturel de de passage au débat du off d’Avignon, aujourd’hui directeur du festival de films de Douarnenez.


Eric Prémel

- Olivier Leliège - Administrateur, co-directeur du Théâtre du Pont Neuf.

Le projet du Pont Neuf, davantage axé sur l’artistique, la création, que sur la question du public. Mais le TPN s’inscrit dans différents dispositifs (Carnets Pleins Feux, travail de médiation avec différentes associations...). Le théâtre du Pont Neuf s’inscrit dans son territoire (le quartier Saint Cyprien). Un constat : les spectacles jeunes publics attirent enfants et parents, mais ces derniers ne reviennent pas généralement voir les spectacles adultes. Réflexion autour de la circulation des publics, la billetterie "Pleins Feux" est née de ça (en 2004/2005) : carnets de places non nominatives, à tarif préférentiel, valables aujourd’hui dans 8 théâtres à Toulouse. "Comment des gens peuvent venir ici et comment ils peuvent y revenir ?"
Pleins Feux permet de constater par un moyen de traçabilité du lieu où est acheté chaque carnet, que les publics circulent de façon assez minoritaire (1/3 environ). Les 2/3 continuent d’aller voir des spectacles dans le théâtre où ils ont acheté leur carnet (c’est-à-dire leur théâtre habituel).
Il y a un vrai public TPN. On prend le temps de rencontrer les gens. Mais impossible de dire de manière catégorique pourquoi et comment ce public est conquis.

- Témoignages de spectatrices
1 Plutôt habituée de la Cave Poésie et du Grand Rond. Venue au TPN par le bouche à oreille. Choisit ses spectacles en fonction de l’oeuvre, de la proximité, du temps qu’il fait, de l’envie de sortir avec des amis.
2 Vient au TPN pour la première fois, à l’occasion du débat et "Des théâtres près de chez vous". Intéressée par le sujet des habitants, du territoire. Constate que beaucoup de gens se connaissent.

- Badradine Reguieg, Théâtre du Fil à Plomb (quartier Arnaud Bernard)
Pour aller au théâtre, il faut une "certaine" culture. Quand on vient de la cité, c’est sans doute plus difficile. Venir voir des spectacles n’a rien d’évident, au contraire. Même réalité dans d’autres lieux comme centre Henri Desbals à Bagatelle. Les sujets abordés (ex. dernier spectacle de Badradine sur la communauté algérienne) peuvent jouer mais à la marge (?). C’est au-delà du prix, car la plupart ont des moyens. "Faire venir les publics" ici, c’est difficile. Il faudrait avancer car on est face à un vrai mur, alors qu’il y a des envies énormes (on le voit dans les ateliers qu’on met en place par exemple avec des jeunes). Le réflexe, c’est de croire que le théâtre reste un milieu élitiste. Des potes pensent qu’il faut venir au théâtre avec veste et cravate. Et qui vient débattre du sujet ? Regardons-nous : pas un black, pas un arabe, à part moi.

- Maryline Vaurs, Théâtre du Grand Rond (quartier Halle aux Grains)
Autre quartier. Autre problématique aussi de territoire. Les gens qui habitent dans le quartier d’un théâtre ne vont pas forcément dans le théâtre le plus proche. Certains de nos voisins ne viennent jamais.
Echange avec Badradine : ...quand un travail est fait avec des éducateurs, ça fonctionne...

- Témoignage d’une habitante
Connaissant les deux quartiers, c’est surtout par le bouche à oreille qu’on va dans tel ou tel lieu. L’opportunité crée l’occasion.

- Badradine Reguieg - Théâtre du Fil à Plomb
Manque de culture ou d’éducation théâtrale pour entrer dans les théâtres. Au-delà d’un problème financier. Quel regard on porte sur le spectacle vivant en général.
Echange avec une participante au débat sur la plus grande facilité pour le spectacle de rue, les cultures urbaines... On peut trouver de la mixité sociale dans une salle, exemple du Jamel Comedy Club sur Paris, qui rassemble toutes les catégories sociales. Même si c’est à la mode et que c’est quelqu’un de médiatique (on ne peut pas mettre ça de côté) on voit rarement ça ici.

- Réaction d’une participante.
Quel vecteur pour toucher ces populations là ? On y arrive pas.

- Doriane
Toujours dérangeant de différencier le public par ses origines. Autre biais : penser au milieu de travail et aux comités d’entreprise pour reprendre en compte la notion de territoire (notion de quartier mais aussi de ville et d’acteurs économiques et sociaux). Aller chercher les gens là où ils travaillent. Comment des responsables de théâtre, des chargés de publics font vis-à-vis des CE ?

- Mélanie Labesse, Couac
La question "culture et quartiers populaires" est quelque chose travaillée intensément au Couac. Il faut évidemment en parler. Il n’y a pas que la dimension sociale. On peut aussi remettre en question nos expressions. C’est quoi par exemple les "cultures urbaines" (le théâtre est-il autre chose ?), le "slam" n’est-ce pas de la "poésie" ? Le stand up est-il illégitime à passer dans les théâtres ? On a sûrement à prendre conscience des cadres qui nous imposent une certaine différenciation voire hiérarchisation des cultures. Des expériences très motivantes et innovantes existent partout en France et ailleurs de théâtre, donc ce n’est sûrement pas en soi que la pratique désintéresse
mais il manque sans doute des opportunités réelles d’aller au bout des démarches initiées par exemple avec des ateliers amateur, autrement qu’avec des publics captifs comme on l’a dit à l’instant.

- Comédienne
Il y a un vraiment un soucis avec une "vieille définition" du théÂÂtre, pour les intellectuels, etc. Comment on en vient au théâtre si on nous a pas transmis les codes dans une culture très dominée par celle de l’audiovisuel. C’est plus populaire et mixte dans la rue... Un travail à faire là-dessus : changer les définitions ou multiplier les initiatives comme "des théâtres près de chez vous" pour faire comprendre que c’est accessible à tout le monde et que cela ne nécessite pas d’avoir "bac+5"...

- Réaction de Nathalie
Le théâtre, ça peut être de la danse, du clown, de la marionnette... Si on ne pense que texte, ça peut faire peur.

- Badradine Reguieg
Anecdote. L’éducation à l’ouverture au théâtre peut aussi être très mal faite. Exemple de la façon dont on enseigne Molière par exemple. A la base, dans les collèges, il faut éduquer les profs à apprendre le théâtre pour ne pas dégouter des générations d’élèves et donner une autre image pour tout, le théâtre, le cirque, etc... Il y a sûrement des bons profs qui font aimer le théâtre mais il reste du travail à faire, sortir du "par coeur".

- Claire, comédienne
Il y a une histoire de déconnexion vis-à-vis des autres, des gens. Les artistes ont une sorte de secret qu’ils cultivent, impossible à dévoiler. Ici au TPN, l’expérience nous invite à nous ouvrir au moment le plus fragile de la création : répétitions publiques, interviews, moments d’échange avec des classes, mini-stages, communication, suivi de la création par les classes... Beaucoup de ces choses là sont faites, elles sont quasiment obligatoires aujourd’hui pour obtenir des subventions. La médiation est maintenant et peut-être depuis longtemps toujours été au coeur de l’institution et des théâtres. Une question plus éthique : est-ce qu’on a vraiment envie de sortir en tant qu’artiste de notre cocon ? est-ce qu’on le cultive pas ? cette espèce d’aura du secret ? de l’importance de ce qu’on fait, et de l’impossibilité pour les autres de comprendre...

- Fred Ortuño, précision sur le premier extrait vidéo sur la notion mise en avant de public, plutôt que sur celle de l’artiste en tant que tel.

- Participante
La programmation n’est-elle pas trop chargée ? Quelle pièce choisir ? Une offre plus restreinte aurait peut-être plus le temps de faire une vraie permanence artistique sur un territoire. Les pièces sont diffusées trop peu souvent pour pouvoir toucher les gens.
Echange avec Fred Ortuño sur l’économie du champ culturel, la diffusion des oeuvres en France, et le principe "subvention<>création".
Le travail en amont et en aval, qu’est-ce qui se passe à la fin du spectacle ?

- Maryline Vaurs, Théâtre du Grand Rond
Arriver à trouver une cohérence entre salles. La profusion des pièces est aussi la conséquence du très grand nombre de créations/propositions de compagnie chaque année. Un travail spécifique est fait au grand rond pour que les oeuvres restent à l’affiche plus de temps, généralement sur deux semaines. Des spectacles sont repris, reprogrammés pour pouvoir jouer davantage, et avoir une chance d’être reprogrammé ailleurs, ou plus tard. Un échange après les représentations est mis en place, chaque jeudi soir, entre les comédiens et le public. On sent que ça fonctionne, le public est demandeur de cela. Que ce soit avec des groupes d’enfants, d’ados, des adultes, le Grand Rond essaie de favoriser la rencontre.
Sur la peur de pousser les portes, on le constate aussi. Les apéros/spectacles, courtes formes entre 19h et 20h dans la partie d’accueil du théâtre (pas dans la salle) ne viennent que rarement voir le spectacle ensuite. Certains peut-être ne les franchiront jamais.
Echange avec participante, "peur" ou plutôt "comment je vais choisir mon spectacle ?"... Il y a une éducation autour de ça.
Certains spectateurs ne savent pas qu’il y a une salle de spectacle à côté de l’accueil où se déroulent les apéros/spectacles.
On met en place des choses, des médiations, mais on n’a pas de recettes évidemment...

- Nathalie, pour le Club des Spectateurs du Grand Rond
Depuis deux ans, cela consiste à fidéliser des spectateurs du théâtre sur des propositions tarifaires mais surtout autour de l’échange sur des spectacles. Chacun est invité à dire ce qu’il pense en positif ou en négatif de chaque proposition. Des rencontres autour d’un brunch sont organisées. Lien entre les publics, enrichissement. C’est aussi l’occasion de se parler des autres lieux.
- Patricia
Aussi une façon de connaitre mieux notre public, celui qui vient plus régulièrement au théâtre du Grand Rond. Le Club est encore tout petit mais se développe d’année en année.

- Patricia, Théâtre du Grand Rond
Autour des CE. Les CE sont en demande. Mais pas évident d’investir ce champ là, on l’avait tenté mais ça n’a pas vraiment pris.
Maryline : la billetterie "Pleins Feux" marche très bien. Parmi les entreprises importantes, Thalès, Airbus, Latecoère.
Echange avec participantes : le problème reste le même, c’est toujours la même catégorie de personnes au sein des CE qui se déplace.
Par rapport à Airbus, constat sur des journées "portes ouvertes" : on retrouve les mêmes problématiques d’accès, les gens se jettent sur certaines programmations (Odyssud...) Résistances de la part des gens même quand on se rend accessibles. Le public d’une entreprise, comme celui d’un quartier, il y a des barrières.
Témoignage sur travail de présélection de spectacles, expliqués, présentés au théâtre Garonne pour les CE.

- Témoignage(s) d’une étudiante
Il faut évidemment se déplacer. Exemple de mise en place d’ateliers radiophoniques alternatifs avec les enfants. Ça marche très bien. Mais difficile d’aller voir des spectacles par la difficulté de choisir. Difficulté d’accès dans le cadre de la semaine de l’étudiant.

- Fred Ortuño, poids important de l’école/éducation dans le débat. Nécessité d’avoir des lieux de pratiques, des lieux de diffusion pour fréquenter les oeuvres mais aussi nécessité de s’approprier tout ça, cela renvoie au second extrait (cf. Ruby ci-dessous).

Avant cela, le point de vue d’un artiste qui travaille hors les murs :
- Charly Caraballo, groupe Monstres & sons.
On se pose de la question des publics dans l’élaboration même de nos propositions. Des rencontres non ponctuelles sur les temps de création. C’est de l’ordre du lien pour que chacun puisse se rendre compte de la manière dont on essaie de s’inscrire dans un trajet. Que les gens s’approprient cette envie de questionnement, et résister à une sorte de flemme intellectuelle. Le Jamel Comedy Club, c’est un peu facile, ça fait pas mal au crâne. Il s’agir de rendre attractif le fait de s’arrêter pour se poser des questions. Et qu’est-ce qui est spécifique dans l’art vivant : ses possibilités qu’il ouvre du fait qu’on est au même endroit au même moment, ce qui n’est pas toujours vrai avec la musique ou la peinture. Impression de voir se multiplier des spectacles où le fait qu’il y ait un public ne change rien. En tant qu’artiste, on a à se demander si on fait vraiment vivre l’outil théâtre. Comment fait-on pour être dans le vivant théâtral au moment de la représentation ? Arrêter d’être seul ? Et ouvrir nos parcours de création... Le secret, c’est aussi une façon de nous protéger. Les gens peuvent avoir des retours un peu sauvages pour les comédiens. Il faut arriver aussi à désamorcer. Renvoie à l’esthétique de l’émission face à l’esthétique de la réception. La première renvoie à l’exigence d’une "culture", d’un regard "éduqué"... Des visions opposées qu’on peut essayer de réconcilier.

- Badradine Reguieg
Sur le Jamel Comedy Club, c’est au-delà de ce qui se passe dans la salle. Mais ce qui se passe dans la salle est très important.
Echange avec Charly Caraballo. Parcours de jeune comédien. Proposer du théâtre d’art à tous les publics. Expérience du dernier spectacle qui se joue aux alentours d’une maison dans un champ. Ça touche vraiment les gens. On est hors théâtre et c’est sans doute plus simple pour beaucoup de gens. Au contraire du rapport qui se tisse souvent sur le temps de la représentation qui peut "castrer" les gens.

- Témoignage de Mélanie Labesse
J’adore le Comedy Club mais ça ne m’empêche pas d’aller aussi au TNT voir des pièces plus difficiles. On n’est pas tout le temps le même spectateur, en fonction de nos parcours, de nos états. Difficile de parler après la pièce. On a pas non plus à normer trop.

- Participante
Différence entre spectacle populaire et théâtre d’art. Le problème n’est pas d’opposer ou de hiérarchiser mais de se demander pourquoi c’est plein chez certains et pas chez d’autres. Pourquoi les théâtres des 3 T, du Casino Barrière sont pleins tous les soirs... Pourquoi en effet un spectacle populaire a tendance a plus attirer ?...

- Témoignage de Maryline
Une cousine qui a le bagage intellectuel qu’il faut pour aller où elle veut mais qui s’imagine que le théâtre du Grand Rond ne va pas lui permettre de rigoler, de "lâcher" un peu, de ne pas "se prendre la tête". Quelle est l’image de nos théâtres vis-à-vis de ces publics là ?

- Réaction d’une spectatrice
Le théâtre pour réfléchir ? Le théâtre c’est plutôt pour lâcher. Les petites salles sont plus conviviales, moins compliquées... ça ne s’arrête pas non plus à la taille du théâtre. Parler de ce qu’on a vu au théâtre n’est pas évident, tout le monde n’aime pas ça. Il n’y a pas de fin à une pièce, puisqu’on en parle à d’autres. Ce qui est difficile c’est de franchir le pas par la réservation.
Echange avec Mélanie : le jamel comedy club, ça fait aussi réfléchir, même par le biais du rire par exemple, ça pose aussi beaucoup de questions.

- Présentation d’un nouvel extrait vidéo. Interview de Christian Ruby, docteur en philosophie, enseignant (Paris).


Christian Ruby

- Fred Ortuño
Commentaire sur l’extrait et présentation rapide de l’un de ses derniers ouvrages l’Archipel des Spectateurs (Nessy, 2012).

- Témoignage de Christophe Henriet
Comment aller voir un spectateur du TNT et lui dire qu’il est ou n’est pas formaté, c’est une sacrée gageure.

- Fred Ortuño sur comment toutes nos expériences de spectateur nous construisent et sans doute nous opposent et Mélanie Labesse, sur les enjeux de différenciation sociale dans le fait d’aller "au théâtre", c’est aller aussi vers ceux de sa communauté, autre débat ?


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