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le 1er/12/2008 par Couac

 Discours de Noël Mamère à l'Assemblée Nationale à propos de la loi sur l'audiovisuel publique
Noël Mamère
Loi sur l’audiovisuel public - télévision



Discours de Noël Mamère
Question préalable
Projet de loi organique n° 1208 rectifié
Nomination des présidents des sociétés de l’audiovisuel public

Monsieur le Président, Madame la Ministre, chers collègues,

Le projet de loi organique que nous examinons en urgence concernant la nomination des présidents des sociétés de l’audiovisuel public est un leurre, un hold-up législatif sur la télévision, une régression politique majeure. Ce pas de plus vers la concentration des pouvoirs dans les mains d’un seul homme, le Président de la République, est un mauvais coup contre la démocratie.

Le leurre est à l’évidence à la racine de ce projet de loi rabougri. Il s’agit ici de concentrer l’attention de l’opinion et des parlementaires sur une disposition, somme toute secondaire, d’un projet de nature politique et économique tout entier décrit dans le projet de loi 1209 sur le nouveau service public de la télévision. On fait ainsi d’une pierre deux coups : on parle de l’accessoire, la nomination d’un Président, pour cacher l’essentiel : la destruction programmée du service public, en supprimant une partie de son financement, sans compensation réelle et pérenne. Demain, le Président de cette nouvelle « voix de la France », nommé sur ordre de l’Elysée, ne sera à la tête que d’un ersatz de service public réduit à la portion congrue et devenu un grand corps malade. Dans quelques mois ou dans quelques années, on nous annoncera que France 2 ou France 3 ne sont plus rentables et qu’il faut donc se séparer rapidement d’une chaîne de service public, pourquoi pas en reprenant l’innénarrable notion du « mieux - disant culturel », qui avait servi à brader TF1 en 1986 à Bouygues , le bétonneur du BTP, son fils Martin put ainsi continuer, dans la sérénité, l’œuvre de son père : marchandiser la télévision et coloniser l’imaginaire des français. C’est cela un leurre : le détournement de l’attention de l’opinion publique vers un sujet mineur. Car la télévision ce n’est pas un Président nommé, désigné ou élu qui la fait tourner, mais un personnel qualifié, une structure, un financement, une programmation répondant ou non aux missions d’éducation, de culture, d’information et de divertissement. Alors que les Français passent en moyenne plus de 3 h/ 30 par jour devant leur poste de télévision, n’est-il pas primordial, qu’en retour, ce média leur propose des réflexions plurielles, des regards personnels, des découvertes ? N’est-il pas nécessaire que soit préservé des puissances d’argent et de la tutelle politique un secteur qui doit être un facteur de cohésion, d’intégration sociale et qui garantisse une réelle démocratie ? Cela suppose ; et c’est le seul enjeu de ce texte, une véritable indépendance du service public de l’audiovisuel. Seule cette indépendance peut apporter aux citoyens l’expression de la diversité de points de vue sur la société à laquelle ils appartiennent. Le leurre consiste donc à concentrer le débat parlementaire sur l’unique question du contrôle par l’exécutif de l’information en lieu et place du véritable enjeu de la loi, le financement de l’audiovisuel public.

Le leurre a bien fonctionné. Dès le 26 juin, oubliant et humiliant la commission Coppé, qui préconisait une autre solution, Monsieur Sarkozy a focalisé l’attention des médias sur cette nouvelle proposition. Voilà qui lui a permis de faire oublier la faiblesse de la compensation du manque à gagner résultant de la suppression de la publicité sur les chaînes publiques, ainsi que les cadeaux à répétition, accordés aux chaînes privées par le biais de Frédéric Lefevre président du Club des parlementaires sur l’Avenir de l’Audiovisuel. La presse et la classe politique ont commenté à loisir cette mesure, en la découplant des attaques contre le service public. Ils ont glosé sur l’éventuelle démission ou révocation avant terme de Monsieur Patrick de Carolis ; ils ont parié sur les personnalités, essentiellement appelées à le remplacer... Le piège s’est refermé. Il fallait empêcher le débat sur l’enjeu que constitue le bradage et l’existence même du service public et affaiblir la mobilisation de ceux qui s’opposent à ce pillage du bien commun… Ce n’est pas la première fois que nous assistons à un tel scénario. La classe politique toute entière ne s’intéresse à la télévision que lorsque son temps de parole lui semble menacé, mais ne s’intéresse pas beaucoup à ce que regardent les téléspectateurs. Le quotidien de la télévision, c’est sa banalité, qui est pourtant ce qui est devenu le patrimoine et, souvent, le sens commun de millions de personnes. Il est bien plus facile de réduire les questions sociales et politiques que devrait poser la télévision au journal de 20h, à l’injuste décompte du temps de parole des partis politiques, du gouvernement et du Président, que de s’attaquer à cette nouvelle dictature de l’esprit fondée sur l’uniformité et le mercantilisme. C’est ce qu’a compris le Président. Il est plus facile de faire passer la loi sur la télévision publique, en l’assimilant à une simple querelle entre la gauche et la droite pour le contrôle de l’information, que d’ouvrir un débat sur le fond de l’affaire : une grande démocratie peut-elle se passer d’une télévision soustraite à la domination de l’argent roi et de l’audimat ? Ou préférons nous livrer les français à l’entreprise de décervelage que symbolise la célèbre expression de Patrick Le Lay sur le temps de cerveau disponible ?

La seconde tromperie de cette loi organique tient au double hold-up réalisé sur la télévision publique, un vrai tour de passe passe parlementaire qui prend prétexte du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution obligeant ainsi le législateur à se mettre en conformité avec la procédure prévue dans la loi fondamentale. La mesure a été annoncée en juin, au cours d’un cocktail qui présentait les conclusions de la Commission Copé : le président du CSA a alors appris que son institution ne servait plus à rien ! En juillet, lors du Congrès de Versailles, a été introduit le principe de cette nomination dans la Constitution, alors que l’on aurait pu voter la pérennité du service public de télévision et la garantie pour tous d’accéder aux médias. En novembre, aujourd’hui, on fait voter, au forceps, la loi organique instituant le nouveau majordome audiovisuel du Président. Nicolas Sarkozy structure son pouvoir selon le modèle monarchique. En faisant inscrire simultanément ces deux projets de loi, il révèle le double sens, je dirais, la double peine, subie par la télévision et les téléspectateurs.

Avec le projet de loi sur la réforme du financement de la télévision publique, nous sommes devant la montée en puissance de l’affairisme ; avec la discussion sur cet article unique nous voyons le triomphe de l’étatisme audiovisuel. En 2008, près de cinquante ans après le gaullisme, voilà que les deux mamelles de la télévision sont désormais l’étatisme et l’affairisme. Il fallait que la question de la télévision soit importante aux yeux du Président, pour que cette loi dont l’urgence est contestée par messieurs Balladur et par le Nouveau Centre soit traitée à ce rythme. Quelle urgence, alors que la crise mondiale frappe de plein fouet notre pays ? Quelle urgence à démanteler le service public de la télévision en le privant de ses ressources, alors que dans le même temps on renfloue par milliards des banquiers imprévoyants ? Pour le Président, l’urgence consiste visiblement à remercier d’abord ceux qui l’ont fait roi, les Bouygues, Bolloré, Lagardère, Dassault et compagnie qui ont aidé à l’ascension du maire de Neuilly. Il fallait payer en cash dès le début du quinquennat. Pendant que ses copains se goinfrent du gâteau publicitaire pour transformer la télévision en part de cerveau disponible, Nicolas Sarkozy devient le Napoléon de la télévision d’Etat en soumettant les chaînes du service public au bon plaisir de son service privé. Il nommera, et pourra donc révoquer comme bon lui semble, le directeur de la télévision, de la radio, de l’audiovisuel extérieur. Dans ce dernier cas, le verrouillage a déjà commencé, puisqu’une grande journaliste, épouse du Ministre des Affaires Etrangères, officie sans que personne ne conteste cette confusion des genres. On nous explique que le CSA et le Parlement pourront dire leur mot et contrôler les conditions de nominations et de révocation... Foutaises ! Surtout, lorsque l’on sait comment sont nommés les membres du CSA et quand on mesure le courage des membres de cette majorité pour s’opposer aux décisions de leur Maître. Il y avait pourtant d’autres manières d’envisager le modèle de gouvernance dont nous parle la Commission Copé dans son rapport. Par exemple, le SNJ demande que le président soit nommé et révoqué par son conseil d’administration. En Allemagne et en Belgique ce sont des commissions pluralistes qui nomment, au consensus des professionnels reconnus. Depuis le 1er janvier 2007 la direction de la BBC est assurée par un conseil de douze membres, « le trust », émanant des milieux professionnels, et nommés par la Reine et non par le premier Ministre. Le directeur général de la BBC est nommé par le « BBC Trust » et n’a donc aucune liaison avec le pouvoir politique. Le « BBC trust » définit les grandes orientations, réglementaires et stratégiques, de l’information et des programmes appliquée par le directeur qui assume la responsabilité de la ligne éditoriale et la responsabilité budgétaire dans le cadre d’une direction de dix membres. Mais la France n’est pas l’Angleterre. Nous n’avons pas de reine, mais un monarque républicain qui ne croit pas à la séparation des pouvoirs. Louis XI avait inventé le monopole d’Etat de la Poste. Nicolas Sarkozy, qui souhaite la privatiser, invente le monopole de l’Esprit et de l’imaginaire. N’est pas Louis XI qui veut !

La troisième tare de la loi organique examiné aujourd’hui, c’est bien évidemment la concentration de la communication audiovisuelle dans les mains de Nicolas Sarkozy. C‘est en cela que votre projet de loi est une véritable régression. François Mitterrand avait voulu, du moins dans les textes, couper « le cordon ombilical » identifiant la télévision publique à une télévision d’Etat. Que le CSA ne soit pas le garant d’une réelle indépendance par rapport au pouvoir politique ne signifiait pas pour autant que le retour ipso facto au contrôle direct par l’Elysée était la seule voie à suivre. Votre réforme rompt avec le principe fondamental de la sauvegarde du pluralisme des courants d’expression politiques et socioculturels, qui a conduit à l’instauration de la Haute-Autorité en 1982, dont le CSA est aujourd’hui l’héritier. Au lieu de continuer dans le sens du pluralisme, cinquante ans après les débuts de la Vème République, vous renouez avec le pire de l’étatisme audiovisuel. C’est en effet une ordonnance du 4 février 1959 qui a créé la RTF comme entité séparée de l’Etat, sous forme d’Etablissement public, mais clairement mis sous coupe réglée de l’Etat. Le monopole du service public devient alors un monopole politique au profit du pouvoir du Général de Gaulle. Cet établissement public est directement placé sous l’autorité du Ministre de l’information, et son directeur général est nommé par décret, en conseil des ministres, sans précision relative à la durée de son mandat. Alors que l’actuel président de la République opère une rupture dans tous les domaines avec la tradition gaulliste, il renoue ici avec le pire de cette période : la subordination de la télévision au pouvoir politique. En créant un domaine réservé de l’audiovisuel, il génère une soumission, une autocensure, et une télévision d’influence qui deviendra un contre-modèle et la risée de l’étranger. Il le fait dans la pire des situations : la mise en concurrence déloyale avec ses amis du privé. Cette mise en coupe réglée de France télévisions et la vente à la découpe du service public, c’est du berlusconisme sans Berlusconi.
Notre « télé-président », fidèle à son modèle italien, cherche non seulement à contrôler la télévision publique mais il veut la régenter jusqu’au détail de sa programmation. Son projet est simple : contrôler un service public démonétisé et soutenir le développement de la concentration de quelques grands groupes privés. Ce n’est rien d’autre que du populisme industriel au bénéfice de quelques amis.
C’est d’abord, l’information qui est dans la ligne de mire du pouvoir. Avec 137 éditions, soit environ 50 heures d’information par jour, journaux et magazines de France Télévisions couvrent l’information. C’est l’indépendance des rédactions qui est à la base de la crédibilité des journalistes du service public. En refusant tout financement pérenne et en fondant les sociétés actuelles en une entreprise unique, nous assistons à une mise en tutelle, parachevée par la nomination du président de France Télévisions en Conseil des ministres. Cette confiscation de la démocratie doit être dénoncée comme telle. Car le projet de Nicolas Sarkozy n’est pas simplement de faire de l’information télévisée un magazine de publi- reportage à sa gloire personnelle (c’est déjà pratiquement fait). Mais, plutôt, d’intégrer l’information à son agenda médiatique, en illustrant les faits divers et les questions de société par des mises en scène émotionelles et en imposant son propre récit, jour après jour, aux français. Avec TF1, Jacques Chirac avait surfé sur l’insécurité, lors de la présidentielle de 2002. Lorsqu’il était Ministre de l’intérieur, Nicolas Sarkozy utilisait le moindre fait divers pour produire des lois à sa convenance. Depuis qu’il est Président de la République, cette pratique continue de plus belle. Le consensus télévisuel précèdera l’élection de 2012. L’idéal de Nicolas Sarkozy serait-il une conception émasculée de l’information, doublée d’un prêt à penser et d’une langue de bois à toute épreuve. Je refuse pour ma part cette anesthésie progressive de la population et j’appelle tous ceux qui la refusent à s’engager, avec les journalistes et les personnels de France Télévisions, à combattre pour une information honnête, complète et pluraliste. Ce n’est pas seulement l’information du journal télévisé qui est en question, ni le remplacement d’un journaliste qui lui a mal répondu par un autre, non, le télé-président exige plus, beaucoup plus : Il veut influencer l’ensemble de la programmation. Le divertissement l’intéresse autant que l’information. Il a un avis sur tout et le fait savoir : les jeux, les talk shows, les séries, doivent être sous contrôle. Après « la dictature de l’Audimat » que nous avons été les premiers à dénoncer, le Président s’apprête à imposer « la tyrannie de l’émotion », couplée à celle du conformisme d’Etat.
Sans vouloir effleurer l’autre projet discuté dans cet hémicycle, soyez attentifs à cet extraordinaire exposé des motifs qui nous apprend que la première émission de la soirée se déroulera dès le 5 janvier 2009 sur les chaînes de France Télévisions, vers 20h35, ce qui permettra une véritable deuxième partie de soirée commençant autour de 22h15 et même une troisième partie de soirée démarrant vers 23h30. On y apprend aussi que les chaînes de France Télévisions devront - je cite - « adapter leur programmation en fonction des rythmes scolaires » et que les programmes jeunesses « contribueront au bon développement de l’enfant en l’aidant à grandir et à se construire ». Ses programmes éducatifs « concerneront aussi bien l’éducation à l’image que l’éducation à la bonne alimentation »... Cet inventaire à la Prévert nous laisse pantois. Est- ce au législateur, au ministre, au Président, de donner de telles instructions, alors qu’il brade la création en lui enlevant la liberté de choix, au moyen du guichet unique et par le rabotage de ses crédits ? Ce cahier des charges est du domaine du CSA, pas des politiques. Ou alors, la nomination des présidents des sociétés du service public cache une reprise en main dirigée depuis un cabinet noir, au centre duquel on trouve un homme qui se prend à la fois pour le directeur des programmes, le directeur de l’information et le directeur des ressources humaines, un homme qui veut tout régenter de son palais de l’Elysée. Il l’a déjà fait d’ailleurs, par exemple, en faisant nommer un de ses collaborateurs à la direction de TF1, en intervenant selon son bon plaisir pur commenter la prestation de tel ou tel animateur ou journaliste, en exigeant la tête de celui là, la mutation de celui-ci... Devons nous accepter ces manquements à la règle républicaine, à l’indépendance des rédactions et des directions des chaînes ? Nous devons combattre ce projet de mainmise sur la télévision publique et inscrire dans la loi la charte de déontologie proposée par les journalistes de France télévisions. J’en appelle à tous les républicains et à tous les démocrates présents dans cette Assemblée, il faut refuser cette agression contre le secteur public de l’audiovisuel.

Refuser la désignation du président de France Télévisions par le Président de la République, c’est donc se battre contre la confusion entre le pouvoir exécutif, financier et médiatique. Dans une démocratie moderne, l’indépendance des médias est une condition de liberté de choix des citoyens, de l’égalité politique, de la fraternité , pour que le modèle social proposé ne soit pas réduit aux séries américaines bas de gamme.
Lorsque le 24 juillet 2008, les députés de l’opposition ont déposé une proposition de résolution à l’Assemblée nationale demandant une Commission d’enquête parlementaire sur l’indépendance des medias (presse, radio, télévision) face au pouvoir économique, c’est cet aspect de la question qu’ils ont voulu soulever.

Nous ne disposons pas de véritable dispositif anti-concentration des médias. Celui issu de la loi du 30 septembre 1986 sur la liberté de communication, n’est qu’un cache-sexe et, aujourd’hui, nous constatons avec beaucoup d’inquiétude la proximité croissante des medias et du pouvoir, qui favorise les groupes privés de ses amis du Fouquet’s, au détriment du pluralisme et de l’indépendance.

Ce système anti-concentration ne concerne pas les groupes dépendant des commandes publiques de l’Etat. Pourtant, le rapport rendu public par Mme Giazzi semble vouloir remettre aussi en cause ce dispositif.
Toutes les réformes annoncées vont dans le même sens : suppression du droit d’auteur des journalistes ; affaiblissement des ressources de France Télévisions ; renforcement des ressources des chaînes privées par un assouplissement de leur régime publicitaire ; la vague d’amendement des députés de la majorité, notamment ceux qui baissent radicalement les taxes prélevées sur la publicité des chaînes privées et des opérateurs télécoms est plus qu’inquiétante. Elle s’inscrit dans cette logique du renforcement de la mafia de l’audiovisuel.

Nous n’étions pas hostiles, en soi, à la suppression de la publicité sur les chaînes publiques. Mais ce que nous voyons se faire sous nos yeux n’a plus rien à voir avec l’amélioration de la qualité des programmes et la fin de la dictature de l’Audimat. Nous sommes confrontés à la volonté délibérée d’affaiblir la télévision publique, de la placer sous tutelle du pouvoir politique. La suppression de la publicité cache les privilèges accordés à TF1 et M6, de la seconde coupure publicitaire au passage de 6 à 9 minutes de publicité par heure, le passage à l’heure d’horloge, le placement de produits dans les téléfilms...Le défoulement des députés de la majorité lors de la Commission speciale, montre qu’une partie de ces derniers a décidé de sonner l’hallali contre France Télévisions.

Face au consensus de la majorité qui refuse l’augmentation de la redevance et l’augmentation des taxes sur les recettes publicitaires des chaînes privées, la survie de la télévision publique est en jeu. On gave les chaînes privées pour mieux assécher le service public. Voilà la logique de ces deux lois scélérates. Elles font penser à ces mesures à répétition de Monsieur Bush qui n’en finissait plus d’abreuver les groupes liés au pétrole et à l’armement, pendant qu’il détruisait méthodiquement le financement des mesures sociales et les libertés civiles. Jusqu’où irez vous, Messieurs, pour défendre vos mandants et vos obligés ?
Non seulement, l’émergence de grands groupes privés, voulue par le Président, ne garantit en aucun cas un « mieux-disant », mais elle balaie de manière désinvolte l’idée, entérinée par la convention de l’Unesco sur la diversité culturelle, que la pensée et la culture ne sont pas des biens comme les autres.

Les usagers, les citoyens ont payé durant des lustres le développement sur tout le territoire national de réseaux qui appartiennent maintenant à des marchands d’armes et de bêton. Aujourd’hui, un homme veut finir le travail de dépossession des citoyens, en alliant le monopole politique au monopole d’argent.

Ce coup d’état médiatico-politique collera longtemps à la peau de son auteur. La création de cette télévision d’exception est illégitime. Elle pervertit un peu plus l’esprit civique, confisque au peuple la maîtrise de son destin. Sous le sarkozysme, la télévision est devenue un élément du pouvoir absolu qui ne peut vivre sans son miroir.
Cette double loi sur la télévision, c’est la fusion d’un pouvoir monarchique avec une oligarchie économique. L’un et l’autre se renforcent, s’échangent des services, et deviennent un conglomérat médiacratique… Nous ne sommes plus à l’ère de la connivence mais à celle de l’inceste.
Les deux lois sur l’audiovisuel signent la fin de la communication libre, telle que définie dans la loi sur la communication audiovisuelle de 1982. L’actionnaire unique incarné par Nicolas Sarkozy est une forfaiture, un retour au despotisme éclairé de l’Ancien régime. Le seul actionnaire unique c’est le téléspectateur, car la télévision est l’affaire de tous et la propriété de personne. C’est pourquoi, avec cette question préalable, je vous demande instamment de défendre la République en, défendant la télévision publique,
de défendre la démocratie en refusant de donner au Président le droit de démanteler ce qui reste du service public et de le soumettre au nouveau monopole des puissances financières.

Comme le disait Victor Hugo, le 11 septembre 1848, devant cette même assemblée, à propos de la liberté de la presse : « il est bon de poser les principes : car les principes posés dessinent les situations … Le principe de la liberté de la presse n’est pas moins essentiel, n’est pas moins sacré que le principe du suffrage universel. Ce sont les deux côtés du même fait. Ces deux principes s’appellent et se complètent mutuellement. La liberté de la presse à côté du suffrage universel, c’est la pensée de tous éclairant le gouvernement de tous. Attenter à l’une c’est attenter à l’autre ». Et il concluait ainsi : « messieurs, vous avez le plus beau de tous les titres pour être les amis de la liberté de la presse, c’est que vous êtes les élus du suffrage universel ».

Soyons fidèle à ces paroles du grand Républicain et défendons la liberté de la télévision, la presse audiovisuelle d’aujourd’hui contre les monopoles de l’argent et de l’Etat.
Je vous remercie.