Accueil > Annonces > Appels à projet, candidature, communication, au secours... > "Entre l’art et le métier " - Appel à contribution




{id_article}
annonce publiée le 15/09/2010
"Entre l'art et le métier " - Appel à contribution

Calenda



Résumé

Dans ce numéro de Sociologie de l’art, on s’intéressera à des pratiques et à des groupes professionnels au sein desquels coexistent et souvent s’opposent plus ou moins explicitement les régimes de l’art et du métier, de la « création » et de la « production », à travers des façons de dire de faire renvoyant à des ENGINEs de rapport au travail et des inscriptions sociales très diversifiées.

Annonce

La sociologie du travail artistique constitue aujourd’hui un domaine bien balisé par un important corpus d’enquêtes très diverses, depuis les travaux canoniques de Pierre Bourdieu, Raymonde Moulin ou Howard S. Becker jusqu’au foisonnement des productions les plus récentes. Les apports majeurs de la dernière décennie du vingtième siècle, avec notamment les travaux de Luc Boltanski et Eve Chiapello ou de Pierre-Michel Menger sur l’évolution des marchés du travail, de l’idéologie managériale, dans un contexte d’« extension quasi illimitée du domaine de la création » (Menger, 2002) peut à bien des égards nous conduire à considérer le travail artistique comme un objet sociologique en expansion constante.
Dans ce numéro de Sociologie de l’art, on s’intéressera à des groupes professionnels « défiant l’analyse sociologique » (Freidson, 1986) au sein desquels coexistent et souvent s’opposent plus ou moins explicitement les régimes de l’art et du métier, de la « création » et de la « production » (Bourdieu, 1994), à travers des façons de dire de faire renvoyant à des ENGINEs de rapport au travail et des inscriptions sociales très diversifiées. On engage donc le postulat selon lequel les figures professionnelles allant de soi de l’artisan ouvrier et de l’artiste inspiré méritent sinon d’être interrogées à nouveaux frais (elles sont déjà nuancées par les travaux existants) du moins d’être mises en regard l’une de l’autre.
On pense par exemple à ces « artistes » ordinaires : musicien engagé dans des dispositifs d’animation anonyme, graphiste exécutant des illustrations sur commande, mettant finalement en œuvre une compétence souvent routinisée plus qu’une inspiration créatrice, « faisant le métier » en inscrivant leur activité dans un régime collectif du savoir-faire (Moulin, 1983) plus que dans un régime vocationnel de singularité (Heinich, 1993). On pense aussi, à l’inverse, au travailleur indépendant, à l’« artisan », dont en certaines circonstances (Perrenoud, 2008) l’activité mise en scène et en mots s’institue à la fois en un patrimoine culturel et une création, pour peu que soit partagée la croyance dans le jeu social de l’authenticité, du beau, du bon et du vrai. On peut enfin et peut-être surtout évoquer le vaste ensemble amphibologique du « créatif » : arts appliqués et métiers d’art, mais aussi cuisine ou design (Dubuisson-Quellier et Hennion, 1995)... on pourrait même éventuellement envisager de s’intéresser aux mécaniciens carrossiers du tuning automobile ou aux athlètes du patinage artistique, puisant eux aussi dans les ressources de la compétence technique objectivable et de l’expression créatrice pour tenter d’opérer ce que l’on serait tenté d’appeler une émulsion symbolique.

A titre indicatif, quelques pistes de réflexion sont proposées, la liste n’étant ni exclusive ni exhaustive. On pourra ainsi :

* examiner le statut, le rapport à l’emploi qui se développe dans les populations étudiées, de même que les formes de la démultiplication professionnelle (en se référant par exemple à P.-M. Menger, aux travaux du CESTA, à la sociologie économique)
* aborder la question de la reconnaissance, y compris le besoin de reconnaissance de l’artisan comme créateur, et celle de l’artiste comme « vrai travailleur » (on pense bien sûr à Axel Honneth et à la théorie critique mais aussi à certains égards à Richard Sennet)
* s’intéresser aux économies de la grandeur et aux formes de compromis entre des régimes d’action et de valeurs très différents et difficilement compatibles (voir notamment Boltanski et Chiapello, 1999)
* rejoindre les perspectives interactionnistes classiques en pensant par exemple les mondes de l’artisanat et de l’art (Becker, 1988) à la lumière des « métiers modestes et professions prétentieuses » (Hughes, 1996)
* avec Bourdieu, enfin (ainsi qu’avec B. Zarca), chercher à voir si les notions « d’art moyen », de même que la question de l’autonomie des champs, de l’habitus des protagonistes, de la construction de leur sens pratique et de la distribution et des échanges des biens symboliques constituent des outils efficaces pour penser les objets abordés.

On attend prioritairement, mais pas exclusivement, des contributions émanant d’enquêtes dans les espaces du travail indépendant. Les approches ethnographiques seront privilégiées, mais l’on n’écartera pas a priori les travaux relevant d’autres méthodes d’investigation.

Les articles (20 000 à 40 000 signes) doivent être envoyés avant le 31 janvier 2011

à marc.perrenoud@unil.ch Université de Lausanne.
Ils seront évalués par deux experts durant le premier semestre 2011.

Références bibliographiques :

- Becker H. S., 1988, « L’art et l’artisanat », in Les mondes de l’art, Paris, Flammarion, pp. 276-300.

- Boltanski L. et Chiapello E., 1999, Le nouvel esprit du capitalisme, Paris, Gallimard.

- Bourdieu P., 1994, « L’économie des biens symboliques », in Raisons pratiques, Paris, Seuil, pp. 177-213.
- Dubuisson-Quellier S. et Hennion A., 1995, « Le travail du designer, entre art, technique et marché », Sociologie de l’Art, n° 8, pp. 9-30.
- Freidson E., 1986, « Les professions artistiques comme défi à l’analyse sociologique », Revue française de sociologie, XXVII, p. 431-443.
- Heinich N., 1993, Du peintre à l’artiste. Artisans et académiciens à l’âge classique, Paris, Minuit.
- Hughes E. C., 1996, « Métiers modestes et professions prétentieuses : l’étude comparative des métiers », in Le regard sociologique, Paris, EHESS, pp. 123-135.
- Menger P.-M., 2002, Portrait de l’artiste en travailleur, Paris, Seuil.
- Moulin R., 1983, « De l’artisan au professionnel : l’artiste », Sociologie du travail, pp. 388-403.
- Perrenoud M., 2008, « Les artisans de la ‘gentrification rurale’ : trois manières d’être maçon dans les Hautes-Corbières », Sociétés contemporaines, 71, pp. 95-115.

Site de la revue Sociologie de l’art - Opus : http://sociologieart.free.fr/
Contact : sylvia.girel@wanadoo.fr

Lien vers le site Calenda